« Ça a commencé avec une émeute. Mais dès le début, on savait que c’était différent, parce que ça se passait dans de petites villes, dans des bourgs. Et puis, ça n’était plus à la télévision, mais dans les rues-mêmes. Ça rentrait par les fenêtres. Comme un virus, une infection. La rage, la rage humaine. Pleins d’hommes qui manifestaient dans la rue, en scandant des mots inintelligibles, en hurlant leur colère. C’était terrible. Quand la police est intervenue, il y a eu des coups de feu, au moins dix, et des morts… Beaucoup. »

Comme le dit Mlle Herrman, cela a commencé avec une émeute. Une seule gigantesque émeute au nord-est des Etats-Unis. New York, Boston, Chicago, Nottingham, Strafford. Pour manifester contre la hausse du chômage et du licenciement massif. Mais c’était plus que ça, en réalité. C’était une manifestation contre leur vie, la désillusion du rêve américain, la hausse de la criminalité. Le blocus militaire a stoppé l’émeute. Une centaine de manifestants ont été arrêtés. Cependant, la population a peur de ces criminels de plus en plus violents, de plus en plus meurtriers, voire fous. Les prisons se remplissent, les prisonniers s’entretuent, les tensions montent, d’où le Décret Σ Sigma. D’abord passée en Afrique du Sud, cette loi s’est étendue à tous les pays membres de l’Union Européenne, puis ceux de l’ALENA. Seule l’Asie refuse de l’utiliser. Trop barbare, décrète le gouvernement japonais qui, soit dit en passant, n’a pas aboli la peine de mort. Voici ce que dit cette loi :

« Tous les prisonniers des centres de détentions d’Afrique du Sud sont dans l'obligation d'aider leur pays, puisqu'ils ne peuvent le servir de meilleure façon. Ils l’aideront par des Travaux d’Intérêts Généraux ou quelque autre service décidé par les directeurs des centres de détentions. Aucune exception ne doit être faite sous peine de sanction. »

Travaux d’Intérêts Généraux, pensez-vous. Imaginez plutôt, dans une prison de 20 000 détenus, cents sont choisis tous les trimestres pour passer dans la section Sigma. D’ordinaire, ce sont les plus récalcitrants. Et les expériences vont bon train. Personne ne sort jamais de cette prison, à part quelques camions blancs tous les mois. Mais on ne sait pas ce qu’ils contiennent.